Et si on volait ? |
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Depuis quelques années je me suis rendu compte qu'il n'est pas indispensable de rester le nez collé au calendrier en espérant dans la douleur que quelques flocons tentateurs viennent titiller les pentes abandonnées de l'automne languissant. Il existe un peu partout, pour peu que l'on s'y intéresse, des restes de vieux névés de l'année dernière, des glaciers dont l'accès est facilité par quelque mécanique à l'usage des touristes émerveillés ou des lieux accessibles autant que peu rentables. C'est pourquoi je commence à imaginer qu'il serait agréable de renoncer pour un temps aux monotones activités estivales tellement appréciées des foules aux pieds mouillés et des plagistes qui s'en nourrissent les pectoraux. Cette activité n'est pas vraiment nouvelle si l'on tient compte des tentatives de certains pionniers aux mœurs inquiétantes mais elle demande quelque adaptation que l'on découvre de difficultés en réprobations. Un rapide recensement préalable des montagnes susceptibles de conserver longtemps, malgré le printemps nivophage assez de neiges éternelles ou présumée telles, est certainement indispensable. Il les faut situées dans un rayon compatible avec l'état de votre automobile longuement malmenée par le verglas, les congères, les parcs boueux des stationnements improvisés, le sel des sableuses, le sable des saleuses, les vibrations subtiles des pneus à clous, les brutalités des pneus neige, l'inefficacité des pneus mixtes, les coffres à bagages imbibés de godasses fondantes, tout un arsenal d'emmerdements qui se résument par l'évidence qu'il fait froid en hiver. Un moniteur me disait un jour « Je me suis mis au ski d'été lorsque j'en ai eu marre d'avoir froid aux pieds « . Cette revue satisfaite, qui n'est qu'une approche, le plus souvent par ouï dire, il faut s'intéresser à l'équipement des dites montagnes en remontées mécaniques car le temps n'est plus de ma jeunesse enfuie où l'on montait deux heures à pied pour descendre en dix minutes les jours d'impatience. On trouve assez souvent des téléphériques d'altitude à l’usage des grosses dames dont l'espèce disparaît désormais sous les incitations conjuguées de la diététique et de la parapharmacie. Encore faut-il qu'ils atteignent des régions enneigées, des névés étendus ou de préférence des glaciers conservateurs décorant des pentes acceptables ou des sommets point trop rocheux. Ces endroits échappent généralement aux infestations touristiques car les usagers des bennes spasmodiques ne se risquent guère au-delà d'un périmètre salvateur préventif dans la proximité des baraques à souvenirs. La relative virginité estivale des névés skiables étant à peu près préservée des confiscations mercantiles hivernales, on s'aperçoit bientôt que là où viennent des skieurs poussent des câbles porteurs. Reste alors à imaginer des transports moins collectifs. La multitude est bien connue comme génératrice de médiocrité. Se propose alors l'aéronautique altiportuaire par avions légers et bientôt par hélicoptères. Ainsi, par une sorte de génération spontanée se constitue cette apparente hérésie que l'on désigne sous le vocable paradoxal de ski d'été en attendant une formule plus publicitaire apte à nous soutirer nos picaillons autrement que par tentations exclusivement maritimes. Je m'offre au passage une remarque désabusée. Là où vont les avions les hélicos iront bien plus facilement. Ils n'auront pas besoin de s'y poser. Les points de largage des skieurs seront ainsi multipliés. Il en est de même des facilités de chargement, pour ainsi dire à la porte de l'hôtel. Il faudra une loi liberticide de plus pour entraver l'essor de l'héliportage, du moins en France. On verra moins de vols mais de plus en plus de pylones et de câbles Il faut croire que les oreilles sensibles et les conservateurs jaloux n’existent que chez nous. Photo de l'auteur Depuis que Jean s'est établi dans ces contrées lointaines le temps est bien fini du " Qu'esse tu fais Samedi ? ". J'arrive à chaparder une ou deux journées au déroulement inévitable des obligations polymorphes pour les transformer en expéditions dominicales vers des sommets dont je ne sais pas grand chose, d'une région dont je sais encore moins. J'abandonne au professionnel expérimenté que mon ami est devenu, l'organisation d'une quantité de détails fastidieux pour les uns, déterminants pour les autres et fondamentaux pour l'ensemble. Ma participation se résume à " où, quand, pour quoi faire ? ". Cette fois-ci les réponses sont brèves: " La Grave-Dimanche-ski ". Je mobilise un bon copain, complice habituel de plusieurs escapades alpestres, capable de skier assez bien pour résister aux décisions parfois inattendues de notre guide. Je charge ma bagnole d'un matériel anachronique en ce printemps efflorescent et nous roulons toute la matinée de Grésivaudan davo en Romanche amo jusqu'à poser le pied à la porte d'un hôtel survivant de l'ère saussurienne. Jean nous y attend, attentif comme se doit à des clients en voiture de luxe, une belle DS toute neuve qui est à mon copain. Nous irons en avion. Nous irons là-haut, tout là-haut, au pied de ces magnifiques parois dominées par la Meige et sa cour. Nous descendrons par là et pas par là, mais sûrement par là-bas pour finir si tout va bien...Je n'écoute déjà plus tant j'admire. J'apprends accessoirement que l'avion en question, outre le pilote, indispensable croit-on, n'offre que deux places dont je saurai bientôt qu'elles sont superposées selon une logique anatomique qui m'échappe encore. Comme nous sommes trois et que l'arithmétique est indiscutable, il nous faut rechercher d'urgence un quatrième sous peine de ne voler qu'à demi plein si ce n'est à demi-vide et pour le même prix. Jean part en chasse dans le village et séduit in-extremis la pompiste de l'hôtel qui frétille à l'idée de son imminent baptême de l'air. Elle pourra aussi skier enfin ces glaciers qu'elle contemple, serviable, de son observatoire pétrolier. Elle s'appelle Michou. J'ai mal dormi. A cause de l'altitude ou, plus sûrement, d'une vertèbre récalcitrante qui n'aime pas le lit authentiquement rustique. Je m'abade avant l'aube. Les skis sur le toit et le personnel rameuté la DS descend un bon morceau de la vallée avant de s'enfourner dans une route supposée qui nous amène en cahouatant longuement aux rives d'un vaste névé, résidu de l'enneigement disparu de cette station prestigieuse généralement pleine de bruits mécaniques et de fureurs téléphériques, mais ce matin parfaitement désertée. Là, au centre de cette réserve précieuse, je vois une espèce d'insecte diptère muni de skis auquel s'appuie nonchalamment, comme pour finir sa nuit, un ours casqué de cuir. Huit mois passés dans la tenue seyante du Service de Santé de l'Armée de l'Air m'ont largement blasé en matière de pilotes et de commentaires de mess de sous-offs. Je monte dans l'engin à l'aide d'un escabeau. On m'encoigne dans la queue en poussant fort car c'est très étroit. On dispose entre mes cuisses un pouf triangulaire qui s'adapte parfaitement à l'espace disponible et, par-dessus le tout, on entasse Michou qui me comprime le nombril d'une paire de fesses pourtant mignonnes. A droite comme à gauche je ne vois que surfaces de plastique dépoli en guise de lucarnes définitivement opaques. J'ai juste le temps de réaliser que le pilote vient de me demander si je suis marié, si j'ai des gosses et si cette personne qui m'écliaffe le bide est mon épouse. Je nie énergiquement tout en réalisant qu'il se serait probablement refusé à décoller dans sa machine à orphelins. Je suppose aussi que nous allons voler car cet original a fait allonger quelque peu les plans de son outil afin d'augmenter la portance. Heureuse initiative...tant qu'à voler autant le faire vraiment. Le décollage est facilité par l'évidence que le névé se termine au raz d'une falaise sous laquelle, très bas, on devine la plaine de Bourg-d'Oisans. on est donc dans l'obligation de voler, faute de tomber. Ou l'inverse ? A l'aide de cette sorte de sauterelle motorisée, que j'aurais préférée libellule, nous avons donc quitté l'Alpe d'Huez en direction de notre destin. Sur mon épaule gauche une paire de skis. Une autre paire de skis sur mon épaule droite et des bâtons partout. Ma passagère bien sûr, par dessus le tout. Donc nous volons. C'est du moins ce que je devine à l'oreille, car là où je suis je ne vois que la sorte de chapka rugueuse que Michou a adoptée pour protéger ses oreilles des altitudes glaciales. Le parcours est assez chaotique car nous subissons ce que l'euphémisme aéronautique appelle des trous d'air. De grands trous sûrement si j'en juge par les soubresauts de la bécane. Je souhaite qu'elle tienne en l'air jusqu'à la consécration d'un atterrissage que j'imagine hasardeux car tout dépend évidement de la texture de la neige. Après une exploration circulaire assurément satisfaisante l'homme pose son tapin, calme son hélice, nous prie de sauter avec des accents impératifs pendant que j'expulse des skis, des bâtons, encore des skis, Michou en premier pour qu'elle reçoive tout le matos....J'enfonce à peine dans la poudreuses suave. L'avion frémit, se livre à une pirouette circulaire dans le brouillard explosif de son hélice rageuse, glisse un moment, se cabre et monte au ciel comme une flèche en battant des ailes pour nous saluer. Au revoir pilote ! Nous sommes isolés, presque au sommet de ce dôme bien rond bien sage, entouré d'un décor magnifique dans le grand silence blanc des montagnes désertes. Nous avons chaussé et nous montons lentement pour libérer ce qui sera bientôt l'aire de pose de nos suivants. La neige est froide, douce, sèche. La meilleure poudreuse du monde. J'ai hâte de descendre vers ces combes interminables qui se dessinent sous les parois givrées des pics qui nous dominent sous le soleil explosé dans le ciel presque noir. Pas question de venir ici sans une météo parfaite. Pas question non plus de nous y endormir. L'avion revient, se pose gentiment sur ses traces, éjecte son contenu ankylosé, renouvelle sa figure de ballet et glisse à nouveau vers la vallée dans une vapeur de poudreuse irisée. Photos...C'est chouette hein ? Allez tout le monde et faites pas les cons. On est quand-même sur un glacier !
La descente est une merveille de suavité technique. Des combes interminables aux douces ondulations, des pentes plus raides de loin en loin pour relancer. Nous suivons en longs virages sans limites, un œil sur la trace de Jean qui évite les zones crevassées, les congères, les moraines, bientôt les roches émergentes et plus loin, les caillasses ensoleillées. Je me pose de loin en loin et photo, photo.... La suite n'est qu'un long déroulement de toutes les sortes de neiges que l'on peut imaginer de haut en bas d'une montagne en cette région et à cette période de l'année. J'ai toujours trouvé beaucoup de plaisir à skier les neiges de fin de saison. Cette fois-ci je suis servi, jusqu'à la fin des derniers névés déliquescents. Je termine à grand bruits de carres écorchées sur une plaque de glace rescapée et bourrée de cailloux tombés d'une paroi érodée. Tant pis pour les semelles. Nous allons finir par des sentiers tortueux jusqu'à la Romanche qui roule ses eaux de fonte sous la haute falaise qui supporte La Grave. Le chemin est raide, les skis sont lourds, les chaussures malcommodes, il fait chaud. Vivement la bonne bouteille que va nous offrir Michou pour arroser son baptême de l'air...et vivement la prochaine dépose.
Cette fois-ci c'est bien d'un adieu dont il s'agit mais je ne le sais pas encore. Jean m'a proposé d'aller faire un tour du côté de la Bérarde dont j'ai entendu parler comme d'un endroit extrêmement sauvage, complètement fermé à l'exception d'une route à peu près inutilisable. Elle est taillée dans une pente tellement rapide qu'on ferait mieux de parler de paroi. Elle est si étroite qu'on ne s'y croise que grâce aux rares garages taillés dans le talus amont. Il n’y pas de protection du côté aval, ni barrière qui serait vite fracassée par les chutes de pierres, ni même de bas-côté. On progresse à l'estime au raz de l’abîme Les rares habitués foncent là-dessus comme sur un boulevard mais les touristes épouvantés restent collés au rocher et refusent, livides, de s'approcher du bord, quitte à obliger le malheureux d'en face à les croiser à l'inverse de ce code qui n'a pas prévu le parcours des châbles et autres viônnets. Les cailloux tombent du ciel en permanence et le sol est couvert de débris rocheux de tailles variées. On finira par y instituer un sens alternatif horaire pour éviter les catastrophes sans empêcher pour autant les sueurs froides généralisées. Je suis arrivé à la Grave en solitaire et en automobile. Jean organise tout sur place et me mettra au courant à mon arrivée. Je refais donc tranquillement la longue descente vers Grenoble puis suivant la Romanche que je chatouille tout le long d'une vallée aussi industrielle que délabrée. Ma Cox fait des merveilles sur ces routes tortueuses partout où les virages sont assez aigus pour jouer du moteur arrière qui jubile continuellement à la limite du dérapage. Tout est vert, fleuri et printanier à n'y pas croire et mes skis incongrus jettent un froid à chaque patelin que je traverse au son excitant du quatre-à-plat. Il a fallu, à mon grand plaisir, inviter deux personnages importants afin de compléter le quatuor obligatoire pour achever la paire de rotations exigées. Il y aura un médecin de Bourg-d'Oisan, spécialiste des sauvetages acrobatiques en conditions hivernales et le brigadier du même endroit, responsable du secours en montagne. Ces deux-là sont skieurs éprouvés par fonctions et familiers enthousiastes du massif. Ils sautent sur l'occasion d'une belle descente en amateurs éclairés et surtout déposés. Nous irons aux Rouies. Nous décollerons des Deux-Alpes. Avant tout il nous faut organiser le ballet des bagnoles d'une vallée à l'autre, d'un aller à un retour et autres complications tactiques. Le briefing a lieu chez le médecin autour d'une bouteille de Champagne. Bon début euphorisant. Retour à,La Grave. Bonne nuit mais courte car départ avant l'aube, en taxi, pour Les Deux- Alpes. La sauterelle de notre dernière envolée nous attend au sommet d'une piste en pente qui se voudrait en herbe si elle n'était en boue. Je ne sais pas si elle doit rouler ou glisser car elle a des roues et des skis couplés dans l'espoir évident, ce me semble, de se poser partout, neige ou pas. Pas le temps d'en discuter. Le temps presse. Nous devons traverser une bonne partie du massif pour aller vers le sud. Dès que nous serons déposés le pilote reviendra se charger de la seconde paire de mal rasés. Je me cale à ma place dans la queue. Jean s'installe sur le pouf triangulaire et me bouche la vue du paysage invisible pour une période imprévisible. Nous décollons suavement en lugeant sur la piste lubrifiée et le moteur nous tire de tous ses pistons vers le plus haut possible car nous irons par-dessus les sommets et pas seulement vers un col abordable d'en bas. J'apprends au passage que le pilote connaît fort bien les régions marginales de ce vaste complexe de vallées divergentes car il y vient souvent pour compter les chamois. J’hésite à comprendre le but d'une si étrange curiosité. Jean m'explique que ces animaux grégaires sont pléthoriques en ces enquernes et qu'on doit estimer leur prolifération pour éviter la dégénérescence de la race et intervenir sur leur fertilité. Heureuse engeance ! Si on en faisait autant des humains bien des problèmes politiques, écologiques, économiques, sans compter la pathologie épidémique et un gros paquet d'interrogations de toute nature anxiogène, seraient rapidement résolus. La réalité me tire de mes réflexions démographiques lorsque je me rends compte que nous volons verticalement. Vers le haut heureusement. Le pilote, l'avion et nous avec, sommes en train de remonter un couloir plus que vertical et orné d'une belle corniche surplombante. La sortie semble impossible et la sauterelle éternue. La juste correction consiste en un renversement moitié sur le flan moitié sur le dos et un retour plutôt hâtif à une altitude raisonnable. Nous reprenons le couloir à sa base et le pilote se met à pomper furieusement à l'aide d'une sorte de levier qui doit exciter un compresseur. Nous arrivons ainsi à atteindre rageusement le niveau du col et à basculer de l'autre côté sans racler du ventre. La sauterelle s'ébroue. Moi aussi. La suite est sans histoire. Les Rouies sont un sommet rocheux en forme de crête revêche et de profil plutôt arrondi de ce côté. Un glacier en descend assez mollement le long d'un vallon dont je ne vois pas la fin mais qui doit se perdre dans une vaste cuvette que je devine entre les bases de tous ces pics et arêtes qui nous entourent de toutes parts et dont je ne sais même pas le nom. Une citation ramassée quelques part me revient, qui parle de l'Oisans solitaire et sauvage. C'est vraiment le moment d'extirper mes souvenirs stratifiés. J'y suis en Oisans mais pas du tout solitaire. Outre l'avion qui tourne en toupie pataude pour prendre le vent et le sens de la pente, il y a là-bas en dessous une espèce de congrès qui m'intrigue. Je vois un troupeau assez semblable à ceux que forment les bœufs musqués des neiges arctiques lorsqu’ils s’apprêtent à défendre leurs petits et leurs femelles en se postant en rond toutes cornes aiguisées face à l'ennemi. Ici ni bœufs, ni vaches, ni veaux, ni couvées. Seulement une poignée de randonneurs à peluches et gros sacs qui dressent vers nous des poings vengeurs et hurlent ensemble un exorcisme vigoureux contre l'avion qui vient salir leur belle montagne. Ces bonshommes sont les sectateurs extrémistes des Alpes pures et vierges. Comme eux probablement. Ils sont venus en grosses bagnoles bien polluantes depuis Lyon ou Grenoble pour le moins. Ils sont donc promis à contempler bientôt de beaux téléphériques pleins de ferrailles graisseuses partout où leur zèle vociférant aura interdit les déposes ponctuelles. Lorsque l'avion revient pour décharger les deux autres assassins du silence des cimes les protestataires disparaissent car nous sommes désormais quatre et hors de portée de leur souffle court. Il y a vraiment des cons partout. La neige a eu chaud. Elle a fortement gelé dans la nuit. Le résultat est un béton heureusement bien lisse mais qui oblige à skier assez écarté pour faire mordre les carres qui, bien sûr, ne mordent rien du tout. Nous allons vite et je m’amuse à imiter l'attitude bien caractéristique des chamoniards . Jean n'aime pas ce genre d'humour. Il vient coude à coude me prier de ne pas faire l'andouille là où il n'y a pas de public pour apprécier. Les deux autres suivent dans leur style montagnard plutôt fruste mais très efficace. Nous finissons par nous arrêter tous ensemble là où la neige commence à décailler, en quelques beaux virages bien nets qui signifient que nous aimerions bien boire un petit coup. Poser un sac, sortir une gourde avec des gestes maladroits car nous avons les yeux fixés sur cet extraordinaire paysage de sommets, d’arêtes, d'aiguilles et de toutes ces formes pétreuses travaillées, érodées, polies et découpées pour composer le plus fantastique décor que nous voudrions contempler longtemps si le plaisir de skier cette bonne neige de printemps qui ne va pas durer ne nous emportait.
Je prends quand-même le temps de faire le plus possible de photos mais jamais assez, comme toujours. Lorsque le brigadier me dépasse comme une luge emballée je fonce tout droit dans ses traces . Nous nous retrouvons tous les deux au raz des blocs et des caillasses qui signent la fin de la langue de névé et, c'est inéluctable, la fin du ski. Je déchausse et je pars devant pendant que les deux autres arrivent, Jean en dernier comme guide se doit. Je prends de l'avance en direction de ce refuge que je distingue au fond décidément très caillouteux de cette combe sauvage. Le gardien est sur sa porte. Il me regarde venir et aperçoit de loin mes compagnons. Il les connaît bien tous les trois comme de grands habitués de son univers de glaces et de cailloux. Il me considère alors de haut en bas, puis de bas en haut et, avec le savoureux accent d'ici : « Eh bien Monsieur...quand vous venez chez nous ...un guide, un médecin, le brigadier du secours en montagne... on peut dire que vous prenez vos précautions ! »
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